Biographie de René Gustave Letouzey
(1918 – 1989)
Spécialiste incontesté de la botanique des forêts du Cameroun
René Letouzey naît à la fin de la première guerre mondiale, le 21 octobre 1918, à Bonneval (Eure-et-Loir), «par hasard », dit-il. A huit ans, il quitte son village du Vexin pour Paris où, après son baccalauréat mathématiques, il entre à l’Institut National Agronomique. Ingénieur en 1939, il se spécialise à l’Ecole des Eaux et Forêts alors repliée de Nancy à Paris, et suit l’option tropicale. Il se marie le 26 novembre 1940. Son épouse Yvonne qui lui donnera trois enfants, s’occupe elle-même d’une Association à but pédagogique «La nature à l’école» (cf. «La nature à l’école: une fleur parmi les pavés», F. Nathan, 1980).
Après un séjour classique de trois ans en foresterie technique et administrative, il prend en charge la section des recherches forestières du Cameroun, à Yaoundé, de 1948 à 1961, effectuant pendant ses congés administratifs des stages au laboratoire de Phanérogamie du Muséum à Paris, avant d’y être affecté définitivement auprès du Professeur André Aubréville, en avril 1961, après 15 ans de séjour camerounais. Devenu Conservateur des Eaux et Forêts OM. en 1955 (de classe exceptionnelle en 1967), il est entre temps intégré à l’INRA comme Maître de Recherches en 1957, puis détaché au CNRS en 1961. Il continue d’effectuer des missions au Cameroun, de même que dans d’autres pays d’Afrique francophone, mais aussi en Colombie (1954), en URSS (au titre de la F Aa en 1956), au Nigeria (1962). Fréquentant les herbiers des grands Instituts, il participe à diverses conférences interafricaines (Goma 1948, Abidjan 1951, Entebbe 1952, Bruxelles 1970) et donne des cours à l’Ecole de Nancy en 1968,69 et 71.
D’abord praticien en sylviculture, dendrométrie, xylologie, phytopathologie, il se spécialise en botanique forestière tropicale, enseignement forestier, pisciculture, protection de la flore et de la faune. Il entreprend de constituer l ‘Herbier national camerounais qui atteint rapidement 25 000 échantillons représentant la moitié des espèces du pays. En 1953, il obtient sa licence ès- sciences naturelles. A partir de 1961, il pratique également phytogéographie, écologie, biologie, ethnobotanique … En 1963, il commence la publication d’une «Flore du Cameroun» qui paraît par familles en fascicules, l’un spécial sur l’historique des recherches floristiques et phytogéographiques au Cameroun. Il entreprend également une carte de végétation du Cameroun, prospectant par carrés successifs de 10000 km 2 la moitié du territoire, récoltant quelque 10200 échantillons botaniques, examinant les photographies aériennes. Tout ce travail lui permet de rédiger une thèse de Doctorat d’Etat ès Sciences naturelles, intitulée «Etude phytogéographique du Cameroun ». Pour la thèse complémentaire alors obligatoire, il se sert de son intérêt aux relations Homme- nature, pour présenter ses « recherches sur la nomenclature botanique des Pygmées ». Il n’oublie pas de travailler sur des sujets à intérêt pratique: plantes médicinales, bois commerciaux, plantes de reboisement ou arbres d’ombrages … En 1971, l’Académie des sciences lui décerne le prix Auguste Chevalier pour l’ensemble de ses travaux au Cameroun.
Etablissant devant l’Académie des sciences d’outre-mer (C.R.A.S.O.M., 5-11- 1976) le bilan de « la recherche botanique française en Afrique depuis J960 », le professeur G. Mangenot estime « de très grande envergure, l’œuvre accomplie au Cameroun par .R. Letouzey ». Elu correspondant à cette Académie en novembre 1975, directeur retraité de l’INRA, il démissionne du CNRS en juillet 1980. C’est lui qui rédige la Nécrologie de son maître André Aubréville, en 1982, avant d’être élu à son fauteuil le 4 mars 1983, et de faire son éloge le 7 mars 1986, lors de sa réception par le professeur Théodore Monod qui « xérophile et saharien », salue en lui « l ‘ombrophile et forestier », Il y évoque les dures prospections en forêt denses: « sans voir le ciel, me frayant un passage à la machette ‘ » dans un milieu si enchevêtré … ». Pédagogue, il rédige un très orignal manuel de botanique forestière, adapté à l’Afrique; il sera traduit en anglais. Très modeste, il se considérait comme « un tâcheron de la Recherche, noble métier tout de même », Après son décès en 1989, son successeur Alain Ruellan prononçant son éloge évoque rapidement « le spécialiste incontesté de la botanique des forêts du Cameroun … ». Il’ fut l’un des « rares scientifiques qui nous ont ouvert les premières portes … des problèmes concernant l’environnement ». René Letouzey était chevalier de l’Ordre de la Valeur camerounaise, officier du Mérite agricole.